Histoire de l’abbaye de Fontaine-le-Comte

La fontaine qui est à l’origine du nom de la localité réunit ses eaux à celles de la source de Basse-Fontaine pour se jeter dans le Clain à 1200m en amont de Saint-Benoît. À proximité et sous l’église se trouvent les restent de dalles, témoins d’un système hydraulique complexe qu’a pu utiliser l’aqueduc antique de Basse-Fontaine.

La première mention de ce site est un acte de 1080 environ qui parle de la « fontaine du comte » (Fons Comitis).

En arrivant de Poitiers, l’abbaye se dévoile à flanc de coteau, bien dégagée, avec le vallon verdoyant au premier plan.

Fondationde l’abbaye Notre-Dame des Fontenelles

Au début du XIIème siècle, le maître Geoffreoy de Loriol (ou du Louroux), ancien écolâtre (enseignant ecclésiastique) d’Angers, avait choisi de vivre dans la pauvreté, à l’écart de la société. Il s’entoura rapidement d’un groupe de compagnons. Entre 1126 et 1136, le comte de Poitou, Guillaume VIII le Toulousain, leur donne un lieu qu’il possédait à 8km de Poitiers pour y construire une église : Fontaine-le-Comte. Il donna en même temps à Geoffroy de Loriol des terres près de Saintes, à Sablonceaux, où il fit également construire une abbaye.

Le XIIème siècle est notamment marqué par les ordres religieux qui sont fondés en opposition aux monastères bénédictins, devenus trop riches et puissants. Geoffroy de Loriol, devenu archevêque de Bordeaux en 1137, fait un autre choix. Organisé dans l’esprit cistercien, il fonde un monastère de chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Augustin (communauté religieuse qui vit à l’écart, au « désert », tout en permettant la sortie du couvent pour exercer un ministère pastoral). L’abbaye de Fontaine-le-Comte est alors placée sous le patronage de Notre-Dame.

Protégée par le comte de Poitou, puis par sa fille, Aliénor d’Aquitaine puis le fils de celle-ci, Richard Cœur de Lion, l’abbaye peut aussi compter sur la protection des papes Anastase IV (1153), Alexandre III (1165) et encore Clément V (début du XIVème siècle). L’abbaye prospère jusqu’à la guerre de Cent ans qui lui cause les plus graves dégâts. En 1346, lors d’expéditions meurtrières, l’abbaye, qui n’est pas encore fortifiée, subit de lourdes dégradations. En 1360, le Prince de Galles ordonne au sénéchal du Poitou d’intervenir auprès des habitants de Poitiers pour réparer l’église. En 1372, Du Guesclin, libérateur de Poitiers, confirme l’abbaye dans la possession de ses biens. L’abbaye est cependant en très mauvais état.

Suite aux destructions subies lors de la guerre de Cent Ans, l’édifice est fortifié sous l’abbatiat de Guy Doucet (1435 – 1438), indiqué sur la façade : « Gui Doucet, abbé de ce lieu, fit jadis en l’honneur de Dieu, moult réparer cette église. En gloire soit son âme mise. Amen. »

La représentation des armoiries

Présentant un plan cruciforme avec nef sans collatéraux et transept doté d’absidioles, l’église abbatiale fut incendiée pendant la Guerre de Cent Ans pour éviter que les anglais y trouvent abri. Si des réparations à l’édifice étaient déjà demandées au sénéchal du Poitou en 1362, il faudra attendre l’abbatiat de Guy Doucet pour que des grands travaux d’aménagement soient lancés. Les travaux de reconstruction intéressèrent notamment le mur sud de l’église et sa façade avec son portail, aussi bien que les édifices conventuels annexes.

Les armoiries de l’abbé marquent les parties qu’il fit reconstruire. Notamment, la façade présente une intéressante mise en scène de l’autorité abbatiale autour d’une niche probablement destinée à abriter une statue : le baron de Guillermy en 1855 y trouva encore la figure d’un saint Sébastien, mais il est plus probable qu’à l’origine elle était destinée à une image de la Vierge.

Une inscription (…) rappelle – en langue vernaculaire – l’œuvre de Guy Doucet et invite à prier pour son âme : Guy Doucet abbé // de cest lieu / fit iadis en loneur de Dieu / moult réparer // cest église / en gloire soit son âme mise. Amen. (L’abbé Guy Doucet fut bûché à la Révolution française.)

Enfin, un grand écu aux armes du roi de France, timbré d’une couronne et protégé par un larmier très prononcé, fut inséré dans la partie supérieure de la façade, juste en dessus de la grande fenêtre. D’après Louis Rédet, il s’agirait d’une ajoute tardive réalisé par les génovéfains qui prirent possession de l’abbaye au XVIIème siècle (Gertrude). Pourtant, si aucune altération de la maçonnerie ne semble visible dans cette partie de la façade telle de laisser penser à une intervention successive, la forme de l’écusson – très proche de celui représenté sur la plaque à côté de la niche – et de la couronne (encore ouverte), mais aussi le style des fleurs de lys nous semblent plutôt porter vers la seconde moitié du XVème siècle. La reconstruction de la  façade peut alors s’être achevée avec l’insertion de l’écu de France dans son sommet, de façon de rendre visible la fidélité de la communauté religieuse locale, à la conclusion de la phase turbulente de la guerre contre les anglais. D’ailleurs, l’armories aux trois fleurs de lys est une présence constante dans les autres corps de bâtiment  du couvent érigés à cette époque. (…)

Guy Doucet n’arriva pas à achever les travaux qu’il avait fait entreprendre, comme la susmentionnée inscription sur la façade semble l’indiquer. Le chantier fut continué (ou porté à son terme) par François Ardillon, abbé de 1471 à 1502 (…). Posé sur une crosse, l’écusson aux armes de l’abbé est place au milieu de la bande faitière qui parcourt la voûte, selon une solution que l’on a vue utilisée, dans les mêmes années, par l’abbé de Saint-Savin-sur-Gartempe. L’écu est orienté avec le chef en direction de la croisée du transept et donc, vraisemblablement, du maître autel. Il n’est pourtant pas possible d’établir si l’intervention de l’abbé François se limita à cette partie de l’édifice ou si elle toucha tout le système de couvertures de l’église. Une nouvelle destruction du toit de la nef fut en effet provoquée par les guerres de religion, tandis que la couverture du bras nord du transept s’écroula au XIXème siècle : les deux accidents ont bien pu comporter la disparition d’autres éléments héraldiques.


Source de l’étude sur les armoiries : Matteo Ferrari, Fontaine-le-Comte, abbaye Notre-Dame, église abbatiale.

François Ardillon, abbé de 1471 à 1502, poursuit sa restauration. Notamment, un chemin de ronde est installé au-dessus du chœur. Il subsistera jusqu’en 1980, date à laquelle il est détruit parce qu’il menaçait la voûte en cul-de-four de l’abside par son poids.

Sous l’abbatiat d’Antoine Ardillon (1512 – 1540), l’abbaye fut le centre d’un cercle d’érudits dans le grand mouvement de la Renaissance avec le poète Jean Bouchet et l’écrivain humaniste François Rabelais.

Les guerres de Religion occasionnent de nombreuses destructions dans la région et Fontaine-le-Comte n’est pas épargnée. Au début du XVIIème siècle, l’état du bâti est désastreux, l’abbaye a subi des vols et pillages, et ne compte plus que trois religieux. Dans le grand mouvement de la réforme catholique que connait ce siècle, les monastères connaissent de vastes changements. Le pape en avait chargé, pour la France, le cardinal de La Rochefoucauld, qui se trouvera aussi abbé de Sainte-Geneviève et y fait venir en 1624 douze religieux exemplaires de Saint-Vincent de Senlis conduits par le Père Faure. Sainte-Geneviève de Paris devint la tête d’une congrégation de France, qui peu à peu, rassembla 97 monastères de chanoines réguliers, sous la direction de l’abbé de Sainte-Geneviève, supérieur général.

Au milieu du XVIIème siècle, François le Veneur relève l’abbaye et passe un concordat avec le Père Blanchard, supérieur général des chanoines régulier de sainte Geneviève, pour que sa congrégation entreprenne la restauration. Les chanoines de Fontaine-le-Comte s’agrègeront à cette congrégation en 1647 et les Génovéfains s’installeront en 1654. Ils assureront la réfection de l’abbaye et notamment de l’église au début du XVIIIème siècle.

Au milieu du XVIIIème siècle, cependant, l’abbaye n’a plus que trois religieux. L’évêque de Poitiers l’unit en 1756 à l’abbaye des chanoines réguliers de Saint-Hilaire-de-la-Celle de Poitiers qui n’avait aussi que trois religieux. La vente des biens conventuels marque la fin de la vie monastique à Fontaine-le-Comte.

Architectureet bâti conventuel

Outre l’église, il ne reste que le logis abbatial, le réfectoire et l’infirmerie. Un bâtiment perpendiculaire qui entouraient le cloitre a totalement disparu avec les guerres de Religion. Les bâtiments conventuels datent probablement de la reconstruction effectuée par l’abbé Guy Doucet en témoignent les blasons. Le logis abbatial, avec son porche surmonté d’un machicoulis à bretèche et ses trois canonnières, devait être l’entrée principale de l’abbaye.

L’église Notre-Dame, orientée et construit en belle pierre d’un moyen appareil, présente un plan cruciforme. Un parvis délimite l’entrée, accessible par quelques marches d’escalier. La façade principale est marquée par un portail dont la porte en plein cintre présente un encadrement de trois voussures. Ce portail est surmonté d’une niche trilobée sur laquelle figure une inscription en hommage à l’abbé Guy Doucet. Au-dessus, une large baie obstruée présente certains motifs de style gothique flamboyant. L’église se compose d’une nef unique étroite couverte d’une voûte en berceau de bois. Ce vaisseau se poursuit par un transept dont la croisée est couverte d’une voûte octopartite avec un oculus à son sommet. Les voûtes des bras du transept sont en berceau brisé. L’édifice se termine par un chœur en demi-cercle couvert d’un cul-de-four dont les murs sont ajoutés par un jeu de 5 arcs en plein cintre. Le clocher carré reposant sur la croisée du transept est surmonté d’un toit pyramidal.

La sobriété de l’église est renforcée par un décor épuré. A l’extérieur, seul le chapiteau à gauche du portail est orné de feuillages. On retrouve un décor au niveau du chevet présentant des motifs géométriques (pointes de diamants accompagnées d’entrelacs, dents de scies, palmettes et petites feuilles). Le décor sculpté intérieur se limite à quelques chapiteaux et au cordon mouluré marquant le départ des voûtes. À la croisée du transept, l’ensemble des colonnes est surmonté de chapiteaux lisses sauf celui à l’angle sud-ouest qui présente un décor de feuillage.

L’église conserve quelques objets mobiliers, notamment un ensemble de stalles. Installées au XVIIIème siècle, 17 stalles épousent la forme du mur du chœur. Chaque stalle est pourvue d’une miséricorde sculptée. Au centre, se trouve la stalle de l’abbé, sur laquelle étaient autrefois sculptées les armoiries de l’abbé Cottin. Le meuble de sacristie est le dernier vestige de la sacristie de l’abbaye du XVIII siècle. La partie inférieure, formée par deux chasubliers composés d’un ensemble de tiroirs, accueille les ornements liturgiques. Les objets du culte sont quant à eux, rangés dans la partie supérieure.

En 1992, la commune de Fontaine-le-Comte et la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) lancent un programme de création de vitraux. Les vitraux sont réalisés en deux temps par l’atelier de Coline Fabre : le chœur en 1993, le transept et la nef en 2000. La technique pratiquée est celle du vitrail en verre coloré peint à la grisaille et serti dans du plomb. Ces vitraux offrent une palette de couleurs à dominante bleue, ponctuée dans le chœur, endroit privilégié de l’église, par des tonalités roses, jaunes, oranges. et vertes. La composition évoque une arborescence. Le plein cintre de la fenêtre propose un motif symbolisant l’astre du soleil levant pour les trois fenêtres centrales, et un jeu de carré pour les quatre fenêtres latérales.

Réhabilitationdu bâti conventuel

Le 3 mai 2023, a eu lieu l’inauguration du logis abbatial dont les travaux avaient débuté en 2019. Le premier étage porte désormais le nom de Béatrice Favrelière, directrice générale des services et présidente de l’Atelier de Fontaine qu’elle a fondé en 1995. 

Aujourd’hui, la toiture du bâtiment de l’infirmerie, est endommagée et des tuiles tombent régulièrement. Par mesure de sécurité, le site et cloître ont été condamnés, empêchant toute utilisation de ces espaces. Ont donc été engagés des travaux de restauration du clos-couvert : maçonneries extérieures et intérieures,  charpente et couverture, façades et arases.

Dans un second temps, la collectivité envisage d’élargir le programme de réfection du site en proposant une réhabilitation de l’espace du cloître en jardin médiéval et l’aménagement des abords de l’abbaye afin d’offrir un site culturel d’exception.

La réhabilitation de l’infirmerie est donc un premier pas essentiel pour poursuivre les travaux et offrir aux concitoyens un espace dédié aux arts et à la culture dans un site historique d’importance pour le territoire local.

Bibliographie

Compilation et recherches documentaires assurées par le service culturel de la mairie de Fontaine-le-Comte.

Sources bibliographiques :

X